La petite salle de la comédie de Malmaison
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Fêtes et théâtre à Malmaison

Article rédigé par Isabelle Tamisier-Vétois

Fêtes et théâtre à Malmaison

 

par Isabelle Tamisier-Vétois

Conservateur en chef du Patrimoine

 

 

 « La paix en ranimant les espérances a fait naître les plaisirs. Les fonctionnaires publics, les ministres, les autorités de l’État s’empressent de l’exemple du Premier consul de décorer et d’ouvrir leurs maisons. » Journal de Fontaine, I, 38

           

           Si les fêtes et les divertissements organisés à Versailles sous l’Ancien Régime sont bien connus aujourd’hui et viennent d’être l’objet d’une exposition, il ne faut pas oublier celles organisées à Malmaison, sous le Consulat et l’Empire, qui résonnent encore comme un lointain écho des fastes monarchiques.

 

            Après les années noires de la Révolution, une ère nouvelle s’ouvre avec le coup d’État du 18 Brumaire. Théâtre et fêtes vont animer de nouveau les soirées parisiennes. Le jeune et fougueux général, paré des lauriers de la victoire, va user de cet outil de propagande que sont les grandes festivités patriotiques révolutionnaires. Seront substituées au fil du temps la glorification des vertus morales et civiques pour l’éloge du chef héroïque et du nouveau pouvoir qu’il incarne. La paix de Lunéville (21 mars 1801), la fête de la paix aux Tuileries (le 9 novembre 1801) vont donner lieu à des cérémonies mémorables dans la capitale, orchestrées par l’architecte du gouvernement Pierre-Léonard Fontaine. « Les fêtes pour la paix générale ont été reportées à cette époque qui est aussi celle à laquelle le général Bonaparte, revenu d’Égypte, a pris les rênes de l’État. Elles ont été célébrées avec une magnificence extraordinaire. Le jardin des Tuileries qui servait de passage pour aller voir les jeux des Champs-Élysées était illuminé en arcades qui bordaient la grande allée et les parterres. Les cours étaient déblayées. Nous avions fait enlever et transporter à Malmaison les arbres qui formaient les deux quinconces sur les carrés à droite et à gauche de la face du Carrousel. » [1] À ces illuminations étaient adjoints un vol de montgolfière et un défilé militaire présidé par Bonaparte.

            Parmi les autres distractions offertes à la bonne société, le théâtre tient une place majeure. Les sorties au spectacle sont fréquentes pour le couple Bonaparte. Ainsi que l’explique Constant : « À cette époque, il habitait aussi la Malmaison ; mais il était souvent sur la route, aussi bien que Joséphine ; car leurs voyages à Paris, quand ils occupaient cette résidence, étaient très fréquents, non seulement pour les affaires du gouvernement, mais aussi pour aller au spectacle, le général Bonaparte aimait beaucoup, donnant toujours la préférence au théâtre Français et à l’Opéra italien. »[2]

            Malmaison est pour le Premier consul et son épouse le havre de paix qu’ils aspirent à retrouver toutes les décades. Il n’en reste pas moins une résidence de chef du gouvernement, où se profilent très rapidement après son acquisition les prémisses d’une vie de cour. Lieu de travail et lieu de plaisance, cette demeure rappelle par bien des points un art de vivre d’Ancien Régime où, sous le feu des illuminations, s’élèvent les voix des acteurs du théâtre et les explosions des feux d’artifices.

 

Le goût du théâtre à Malmaison.

 

            Ce qui semble marquer les séjours à Malmaison, ce sont surtout les représentations théâtrales, qu’elles soient données par des troupes professionnelles du Théâtre français ou de l’Opéra Bouffa ou bien par des amateurs, ce que l’on nomme alors théâtre de société. Cette mode du théâtre de salon, apparue à Paris sous la Régence, se développe dans l’aristocratie parisienne puis à la cour. Appelé à Versailles Théâtre des Petits Appartements, il est de nouveau à la mode avec le goût prononcé de Marie-Antoinette pour la scène, dont Madame Campan en gardera le souvenir dans son institution de Saint-Germain-en Laye. Ce n’est pas un hasard si justement Hortense, qui selon Caroline d’Arjuzon, ne rêvait que d’une salle se spectacle depuis sa sortie de pension, anime tout particulièrement cette troupe improvisée aux côtés de son frère Eugène. À eux se joignent frères et sœurs du Premier consul, mais aussi Bourrienne « le plus habile de tous », selon Madame d’Abrantès[3] Lauriston, aide de camp du Premier consul, qui remplit agréablement les rôles d’amoureux » Denon, Isabey « étourdissant de gaîté, spirituel et charmant » quelques dames (dont la duchesse d’Abrantès) » qui sait à peu près jouer et chanter et se taille des succès dans les rôles de soubrettes ». Parmi la famille Bonaparte, Caroline Murat sait se faire remarquer par « une voix outrageusement fausse et un fâcheux accent méridional.»

Dans l’entourage des grands officiers, Madame Davout semble « généralement fort mauvaise ».[4]

            Mais à la différence de Marie-Antoinette, Joséphine ne monte pas sur scène. Le Premier consul, quant à lui, s’amuse beaucoup à constituer le répertoire qui s’étoffe jusqu’à cinquante pièces. L’auditoire conséquent est formé des consuls, ministres, sénateurs et leurs épouses, ainsi que de la maison militaire du Premier consul. Le Barbier de Séville, première pièce montée par ce théâtre de société à Malmaison, le 30 juin 1802, est également la dernière jouée par Marie-Antoinette au Trianon en 1784. Hortense y tient le rôle de Rosine, comme le fit la reine. Joséphine, qui prenait alors les eaux à Plombières, ne peut y assister. Avant la construction d’un bâtiment spécifique, un théâtre portatif  est installé dans le salon, puis en 1801 dans les combles du château.[5] La salle de comédie construite par Percier et Fontaine en un mois, dans l’esprit d’une architecture de fête, voit le jour en 1802. Le Premier consul exigeant une réalisation rapide comme toujours et économique (30 000 Francs), Percier et Fontaine proposent une construction, qualifiée par ce dernier de « presque portative » faite de planches, sur un plan circulaire à pans coupés, couverte d’un toit d’ardoise. Cette construction a pour tout ornement des toiles peintes, tels les fonds de scène, et peut recevoir au moins deux cents personnes. Elle est reliée au château par un auvent de coutil rayé. La salle est constituée d’un parterre de huit rangs de banquettes, des premières loges, dont celle du couple consulaire, une rangée de secondes loges, une petite fosse d’orchestre. Derrière la scène et sur deux niveaux se trouvent les dix loges et un foyer, sous laquelle se trouve une pièce aménagée pour servir de salle de bal. Ces comédiens amateurs, pris au jeu, demandent de petites améliorations pratiques au nouvel architecte Lepère, successeur de Percier et Fontaine, le 30 novembre 1802, comme la mise sur pivot de la porte d’entrée des acteurs pour éviter le bruit, de l’éclairage supplémentaire et deux chaises par loges « pour ne pas prendre celles de la maison ». C’est Isabey, autre comédien amateur qui se fait leur porte-parole. Lépère est également chargé à cette occasion de concevoir le décor « d’un beau salon de compagnie ».[6] Ainsi bien installés, ces comédiens consciencieux ont pour répétiteurs et metteurs en scène des comédiens de renom, ainsi que cela se passait sous l’Ancien Régime : comme Michau, sociétaire du Théâtre français, Talma, Fleury ou le célèbre Dugazon. Cette pratique perdure sous l’Empire, comme en témoignent les archives des paiements effectuées par les services du Grand Chambellan à ce dernier.

            Dix-sept représentations ont pu être recensées[7]. Ces pièces, des vaudevilles d’un jusqu’à trois actes, sont écrites en vers ou en prose, sont organisées pour animées les mercredis, jours attitrés des réceptions, mais participent également aux fêtes en l’honneur des maîtres de maison. Le retour de l’Empereur victorieux au lendemain d’Austerlitz donne l’occasion de préparer de grandes fêtes où se conjuguent la commémoration de la conclusion de la paix de Presbourg et le premier anniversaire du couronnement. Le préfet du Palais, Louis-François Joseph de Bausset, garde dans ses mémoires le souvenir d’un «  tourbillon de fêtes brillantes » [8] à Paris. Mais à côté de ces fêtes officielles, va se tenir à Malmaison, selon Caroline d’Arjuzon « une sorte de fête privée, presque une fête de famille »[9] quelques jours après le retour à Paris de l’Empereur (le 26 janvier 1806). À cette occasion, Hortense organise la représentation d’un vaudeville de circonstance, intitulé Le capitaine bavarois de Barré, Radet et Desfontaines, monument de flatterie envers l’Empereur dont   Dugazon préside aux répétitions.[10]

 

            Selon la tradition de l’Ancien Régime, viennent également à Malmaison des acteurs professionnels soit du Théâtre Français, soit de l’Opéra Buffa italien. Cette pratique du théâtre de cour va commencer dès 1802 à Malmaison. La première représentation pour l’inauguration de la salle de spectacle, La Serva Padrona, est jouée par la troupe des Italiens sur une musique de Giovanni Paisiello, le 12 Mai 1802. Pour cette occasion Percier et Fontaine demandent, avec l’autorisation du Ministre de l’Intérieur, l’enlèvement le 21 avril 1802 à Sarrette Directeur du conservatoire de musique, de pouvoir utiliser du « magasin de Versailles les décorations qui servaient autrefois dans le petit théâtre de la cour. Les décorations que nous lui avions désignées pour être employées dans une petite fête que la famille du 1er Consul veut lui donner à Malmaison. » [11] Trop petites pour la scène, elles repartent en septembre 1802. Dans le même esprit, le magasin des fêtes nationales prête pour une représentation de l’opéra Bouffa, le 3 juin 1802, à la demande des citoyens Dazzia et Sarrette, une gondole. Celle-ci repart au lendemain du spectacle. La même revient à Malmaison le 23 juin suivant, pour rentrer le lendemain.[12] Les grandes fêtes organisées au château, auxquelles participe la troupe de l’Opéra Buffa, le 16 août 1803, coûtent la somme considérable de six mille Francs.[13]  Les artistes de la Comédie française se rendent également à Malmaison, où se jouent des pièces de Molière, comme L’Avare ou Le Dépit amoureux.

 

            Au-delà du répertoire qui mériterait une étude en soi, c’est le but et l’organisation de ces manifestations qui retient l’attention. Il est indéniable que Malmaison est bien plus qu’une résidence privée de campagne pour le couple consulaire puis impérial, mais bien un palais impérial ainsi que le nomment les archives de l’Intendance générale de la Couronne. À ce titre, les frais de ces représentations théâtrales, des divertissements de la vie de cour, de la musique, des ballets émargent sur les fonds affectés aux théâtres impériaux, qui dépendent du service du Grand chambellan. D’ailleurs une même ligne budgétaire est affectée aux spectacles donnés tant à Saint-Cloud qu’à Malmaison en 1806.[14]

            Le Trésor de la Couronne acquitte également cette même année 264 Francs pour quarante-trois jours d’orchestre pour la danse à Malmaison.[15]

 

Fêtes à Malmaison.

 

            Parmi les nombreuses occasions d’organiser des réceptions à Malmaison, l’anniversaire du Premier consul, le 15 août et particulièrement celui de 1802, restent dans les annales. Un caractère très solennel et politique marque les festivités à Paris : Te Deum à Notre-Dame et dans toutes les églises, illuminations et feux d’artifice glorifient le héros républicain. Le soir, une fête est organisée à Malmaison, ponctuée d’une représentation de Duval et d’un bal. Hortense, bien qu’enceinte de sept mois, participe activement à cette soirée.[16] D’un esprit différent, la Saint-Joseph, le 19 mars, tient une place particulière dans l’agenda des festivités impériales. Au-delà d’une simple assemblée de famille, la fête de l’Impératrice est mise en scène à Malmaison ainsi qu’elle pourrait l’être dans n’importe grand palais officiel, à une différence près, l’Impératrice est ici chez elle. « Mardi prochain, jour de Saint-Joseph, il y aura grande fête à Malmaison, S.M. L’empereur y réunira une assemblée nombreuse à l’occasion de la fête de l’Impératrice Joséphine : concerts, ballets, feu d’artifice et bal concourront aux plaisirs de la soirée. »[17]

            La musique du ballet est dirigée par M. Julien. [18] Les danseuses sont dirigées par Pierre Gardel[19]. Cet ancien maître à danser de Marie-Antoinette, premier danseur de l’Opéra, nous rapproche encore de l’ancienne cour. À un talent de grand danseur se « joint une imagination brillante d’un grand compositeur de ballets. » [20] Pour la Saint Joseph de 1807 « Le A. A. I. I. les princesses Caroline et Pauline ont donné hier soir, à S.M. l’Impératrice, une fête charmante en l’honneur de Saint Joseph. La fête a eu lieu à la Malmaison. On y a joué deux pièces faites pour la circonstance, et dont les rôles ont été remplis par les princesses elles-mêmes et par les personnes attachées à la cour. » [21] La musique est dirigée également par Julien, la représentation aidée par l’acteur Bichot, la fête éclairée par de nombreux lampions. Le Trésorier de la Couronne règle les notes envoyées par le Grand Chambellan s’élevant à 587 Francs 50 Centimes. [22]

            L’année 1809 est décisive pour l’Empire et pour la vie de Joséphine. Cependant deux grandes fêtes vont avoir lieu à Malmaison, une pour la fête du 19 mars et l’une pour recevoir le roi de saxe, le 1er décembre. Ce seront les dernières grandes manifestations festives sous l’Empire.

            « Après la parade, l’Empereur est parti pour Malmaison, où on a célébré le soir la fête de S.M. l’Impératrice. Il y a eu bal, feu d’artifice et illumination. Dans la seconde fête, qui doit avoir lieu mercredi, aussi à la Malmaison, on dit qu’on y représentera des pièces faites pour la circonstance et composées par M.M. Picard et Chazet. La réunion paraît devoir être très nombreuse ; on parle d’une table de cent couverts. » [23] Cette réunion est également l’occasion d’inaugurer la grande galerie de Malmaison.

            Les services du Grand Chambellan et du Grand Maréchal du palais vont s’activer afin d’organiser au mieux ces festivités, qui seront l’ultime Saint-Joseph à Malmaison. Le chef d’orchestre de ces festivités en est l’architecte du gouvernement, Pierre Léonard Fontaine. Étonnamment Fontaine, qui n’est plus depuis longtemps architecte de Malmaison, organise de cette soirée et à laquelle l’Empereur souhaite donner un éclat particulier. Celle-ci sera le point d’orgue du dernier séjour de cinq jours de Napoléon à Malmaison. Mais cela, aucun des protagonistes ne le sait encore.

 

            En suivant les indications des archives de l’Intendance générale de la Couronne, il est possible de s’immiscer dans cette fête. La centaine d’invités arrive ainsi au château conduite à la lumière des trois mille seize terrines remplies d’huile d’aspic et de terrines à gros lampions, tant sur les avenues, les ifs, les portes du parc, sur toute la longueur du mur d’appui de la grande route, les cours et au pied des arbres et enfin « dans la cour de cuisines pour éclairer les voitures et parer aux accidents ». [24] Ces illuminations rappèlent celles mises à la mode par Marie-Antoinette en 1781, dans ses jardins anglais de Versailles.

            Le Théâtre français joue La gageure imprévue, pièce de Sedaine, jouée par Baptiste aîné et cadet, Fleury, Dugazon, Mme Contat, Melle Mars, Melle Devienne et Mme Thénard.[25] À cette comédie en un acte s’ajoute un autre vaudeville, intitulé Le prix de Jean-Baptiste Radet. Dans ce dernier est placé un divertissement sous forme de ballet dansé par treize personnes payé 300 Francs par le service de la cour du Grand Chambellan.[26] S’ajoutent les gratifications accordées aux danseuses et danseurs, comme le salaire de l’inspecteur de la danse, du bibliothécaire pour sa présence et la copie des partitions, des voitures pour accompagner la troupe, la confection de costumes de « cette fête villageoise ou fête polonaise ». Le magasin d’habillement de l’Académie impériale de musique prête pour l’occasion : six fichus façon de madras, six chapeaux de paille, des bas de soie, des paires de gants, des chaussures et de nombreux accessoires textiles et des fleurs [27] et  fait confectionner par six couturiers sous la direction du chef tailleur les costumes, pour 78 Francs. Ceux-ci reviendront ensuite au magasin de l’habillement. [28]

            Selon l’ordre donné par le Grand maréchal du palais, l’administrateur du garde-meuble doit prêter « comme on doit danser dans la grande gallerie qui n’est pas encore meublée » quarante banquettes, des lustres et des girandoles. [29] L’éclairage est aussi complété par quatre grands candélabres à quinquets, seize girandoles à cinq lumières et de trois lustres en bronze à cristaux. Par ailleurs, les lustres de la salle du conseil et du salon sont descendus et transportés également dans la galerie. Ils sont remplacés par d’autres que l’on descend du garde-meuble du palais, situé dans les combles.[30] Tous les bras de lumière de la salle du conseil et de la salle à manger viennent parachever l’éclairage. C’est l’ébéniste Jacob-Desmalter qui se charge d’organiser le transport et placement et le retour de ces différents prêts du Garde-meuble. Cette opération coûtera pour seize journées de travail 564 Francs, au lieu des 400 Francs prévus, en raison du nettoyage nécessaire des bronzes après usage.[31] Vient enfin le feu d’artifice payé sur le budget des dépenses des fêtes publiques de la Maison de l’Empereur (fixé pour l’année 1809 à 150 000 francs) la somme considérable de 10 399 Francs et 87 Centimes, réduite à 9 904, 64 F.[32] Le poste le plus coûteux revient bien-sûr à l’artificier Ruggieri, dont le mémoire est réduit à 6 000 F.[33] Force est de constater que cette soirée est prise en charge intégralement sur le budget des fêtes publiques. Ces artificiers combinaient les effets sur des charpentes fixes et mobiles, permettant de multiplier les effets, comme celui des mosaïques, balayant l’espace de jets de feu formant une figure géométrique régulière. Ainsi se termine une figure conçue pour la somme conséquente de 1 238 F.

            La renommée de ces artistes revient à leur utilisation d’effets sophistiqués comme ici la création d’un temple de cinq arcades et de marches de feu, agrémenté d’une fontaine de feu à l’entablement du temple. Dans celui-ci brille le chiffre de l’Impératrice entouré d’étoiles fixes surmontées de la couronne impériale. Cette figure est accompagnée de chandelles romaines projetées très haut afin d’obtenir un jet d’étoiles en arabesques et de volcans et cascades tournantes ( 1 250 F).[34]

 

La visite du roi de Saxe.

 

            Les 1er et 2 décembre vont se dérouler à Malmaison les dernières grandes réceptions de l’époque Empire. L’atmosphère bien que se devant d’être festive dût être bien pénible à l’Impératrice, ayant eu la vieille aux Tuileries, la confirmation de ce qu’elle pressentait depuis longtemps, l’annonce de son divorce. Il faut cependant faire bonne figure et assister à l’opéra Zémire et Azor, l’opéra de Grétry. [35] C’est bien cette fois l’architecte de Malmaison, Louis-Martin Berthault qui préside au suivi de l’évènement. Tout comme le 19 mars, deux mille terrines à lampions sont disposées sur les avenues, portes et cours. [36] Encore une fois, un éclairage d’appoint est fourni, cette fois non plus par le Garde-meuble mais par Duverger, fournisseur habituel des palais. Celui-ci loue pour la grande galerie « cinq très grands lustres en cuivre doré et ornés de cristaux », un lustre pour le salon et l’antichambre, « vingt-six demi lustres ou girandolles qui étaient posés sur les colonnes[...] quatre bras en cuivre et à 2 bougies chaque lesquels étoient posés dans la petite galerie[...], huit candélabres […], 2 lampes à 4 becs garnies de leur plateaux et munies de cristaux. » [37]. Les tapissiers Poussin et Lejeune confectionnent des écharpes en taffetas vert, assorties aux murs et au galon vert des rideaux de taffetas de la galerie. C’est également eux qui transportent, le 30 novembre, vingt-quatre banquettes provenant de Notre-Dame, destinées à recevoir les invités. C’est un peu plus de la moitié de celles qui avaient été installées quelques mois auparavant. Toute repartiront le 2 décembre. [38] Cette visite officielle occasionne également des frais de huit autres artisans, comme charpentier, serrurier, menuisier, sans qu’apparaisse la mention d’un feu d’artifice. [39] Les fleurs qui décorent la soirée sont fournies par le domaine de Malmaison, qui se fera rembourser ces 510 F le 26 janvier 1810. Ces fleurs en pot avaient été forcées pour être en fleur le 1er décembre. Il en va ainsi des jacinthes, des tulipes ou  es narcisses., mais également du lilas ou des fuschias, provenant des serres. Elles complètent les fleurs de saison, comme le jasmin d’hiver. [40]

 

            Le 3 décembre, l’Impératrice est de nouveau aux Tuileries qu’elle ne quittera que le 16 décembre à 17h30, son mariage civil dissolu. C’est à Malmaison, redevenu silencieux et remis en ordre après ces grandes festivités, qu’elle viendra trouver refuge, mais plus aucune fête de cette ampleur n’y sera jamais plus donnée.

 

 

 

[1]P. L. Fontaine, Journal, Paris, 1987, t.1, p. 35-36.

[2]Constant, Mémoires, Bruxelles, 1830, T.1, p. 35. Cette époque renvoie au tout début du Consulat, avant leur installation aux Tuileries.

[3]Laure d’Abrantès, Mémoires, Paris, 1831-1835, T. V, p. 65.

[4]Id, p. 42

[5]Id, p. 38. Cette salle correspond aujourd’hui à la salle des atours.

[6]Suzanne Huart, Trois lettres inédites sur Malmaison, Bulletin de la Société des Amis de Malmaison, 1979, p. 25-26.

[7]Bernard Chevallier, Malmaison, château et domaine des origines à 1904, Paris, 1989, p. 293-294.

[8]L.F.J.de Bausset, Mémoires anecdotiques sur l’intérieur du palais et sur quelques évènements de l’Empire depuis 1805 jusqu’au 1er mai 1814 pour servir à l’histoire de Napoléon, Paris, 1827, p. 66.

[9]C. D’Ajurzon, op. cit. , p. 380.

[10]Arch.nat .O2 39, p. 46, 17 juin 1807.

[11]Arch. Malmaison, M.M. 77.3.1. 1 et 2, 21 avril 1802.

[12]Arch. nat. O2 369, f° 211, 2, 3, 23, 24 juin 1802.

[13]Arch. nat., 400 AP/3, dossier 3, f° 40, 11 fructidor an XI.

[14]Arch. nat .O2 151, p. 368., 1806, sans date.

[15]Id, O2 1125, non paginé.

[16]C. d’Ajurzon, op. cit. , p. 72-74.

[17] L’Abeille du Nord, vol. 9, mars 1805, p. 306. Je tiens à remercier Madame Aurélie Caron pour cette recherche.

[18]O2 28, p. 85, 3 avril 1805.

[19]Id, p. 73, 25 mars 1805.

[20]Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres, Paris, 1809, p. 205.

[21]Journal de l’Empire, 20 mars 1807, p. 2.

[22]Arch. nat. O1126, 10 avril 1807.

[23]Courrier de Turin, 19 mars 1809, vol. 1, p. 478.

[24]Arch. nat. , O2 203, p. 40, 27 mai 1809. Les illuminations sont faites par le chandellier Ganneron pour la somme de 2 422, 80 F.

[25] E. Laugier, Documents historiques sur la Comédie française pendant le règne de S.M. Napoléon 1er, Paris, 1853, p. 130.

[26]Arch. nat. O2 39, p. 143, 14 avril 1809.

[27]Arch. nat. , O2 39, p. 166, 30 janvier 1810, O2 39, p. 167, 15 mars 1810.

[28]Id, p. 144 2, , 20 mars 1809 .

[29]Arch. nat. O2 513, p. 43, 17 mars 1809.

[30]Arch. nat. , O2 513, p. 49, 6 avril 1809.

[31]Arch. nat. O2 515, p. 56, 2 mai 1809, O2 767, p.1, 18 mars 1809, p. 2, 6 avril 1809, p.3, 2 mai 1809, O2 513, p. 51, 6 avril 1809, O2 151, p. 36, 18 mars 1809, O2 151, p. 40, 17 mars 1809, O2 151, p. 42, 17 mars 1809, O2 772, f° 180, 29 mai 1809.

[32]Arch. nat. O2 203, p. 39, 22 juin 1809.

[33]Le spectacle pyrotechnique a nécessité un menuisier et un maçon pour la construction de la structure supportant les charges de poudre pour 1 481, 84 F.

[34]Arch. nat. , O2 203, p. 41, 27 mai 1809.

[35]B. Chevallier, Ch . Pincemaille, Douce et incomparable Joséphine, Paris, 1999, p. 266.

[36]Arch. nat., O2 203, p. 47, 9 décembre 1809.

[37]Id, p. 50, 15 décembre 1809. Ce mémoire est co-signé de Fontaine et de Berthault.

[38]Id, p. 49, le 15 décembre 1809.

[39]Id, s.n°., 3 janvier 1810.

[40]Je tiens à remercier M. D. D’Heygère pour son aide précieuse.

 

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