Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora vrognée
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Restauration de tableau

Restauration du tableau "Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora" par François Gérard (1770-1837)

Ce tableau majeur de la collection (inv. M.M.67.3.1) a bénéficié d’une restauration en 2022. Il s’agit d’une répétition avec variantes de la toile commandée en 1800 par l’architecte-décorateur Fontaine pour le salon de Malmaison. Bonaparte était en effet féru de ce long poème épique, prétendument écrit par un barde écossais du IIIe siècle et qui enthousiasma l’Europe des esprits du dernier XVIIIe siècle. Le tableau d’origine fut sans doute offert à Bernadotte à l’occasion de son élection à la couronne de Suède et perdu en mer dans son voyage vers Stockholm. Il en existait trois répliques autographes ; celle aujourd’hui à Malmaison est probablement l’exemplaire commandé par Eugène de Beauharnais.

À gauche, au premier plan, le barde Ossian assis joue de la lyre, avec ferveur si l’on en croit le mouvement de sa chevelure ; les personnages légendaires se déploient de part et d’autre du fleuve Lora : à notre gauche, Malvina, étreignant Oscar, fils d’Ossian ; à droite, Fingal, père d’Ossian sur qui s'appuie la mère du poète. Au centre, le barde Ullin, père de Fingal, tient une lyre dans une main et tend l'autre vers Ossian ; il fait le lien entre le monde réel d’Ossian et le monde des spectral. À l'arrière-plan, on aperçoit le château fort de Selma.

Le tableau présentait en premier lieu un problème conservatoire : la fragilité du châssis et sa déformation dans un angle avait créé un défaut de planéité et des micro-soulèvements ; son changement s’est avéré nécessaire. Sur le plan esthétique, le caractère sombre du tableau s’est alourdi et brouillé avec le temps : l’épaisse couche de vernis très oxydée, brillante et irrégulière, les importants chancis et les retouches opaques et altérées perturbaient l’appréciation de l’œuvre et des rapports chromatiques. Sous le chancis, la transparence des glacis et les différentes nuances avaient disparu. La restauration fondamentale de la couche picturale a permis de régénérer la couleur. La gamme chromatique est plus froide : les tons roses, mauves, notamment des nuages en partie inférieure à senestre ont été mis au jour, le rouge du manteau d’Ossian est devenu plus lumineux. Le profil du chien en partie inférieure gauche que l’on ne distinguait plus (présent sur le dessin préparatoire du Louvre, RF35641, fig. 2) est à nouveau visible. Le nettoyage a aussi révélé dans le nuage mauve à droite des altérations sans doute liées à la technique de l’artiste qui apparaissent sous forme d’ondulations claires et horizontales.

La facture esquissée qui frappe dans cette œuvre de grande dimension était déjà présente dans la toile originale. Mieux : elle fut comprise par le critique Chaussard comme le moyen adéquat de rendre « le système poétique d’Ossian ». Or, comme l’a noté James H. Rubin, cette facture est à mettre en rapport avec le titre d’origine, volontairement imprécis : Ossian. L’appellation développée qui lui a été donnée au XXe siècle dénote une interprétation unilatérale de l’œuvre. Ce n’est pas nécessairement Ossian qui fait naître les fantômes avec sa harpe ; ce peut être l’inverse : leur présence à l’esprit d’Ossian pourrait lui dicter son poème. Comme l’a remarqué J. Rubin, le geste d’Ullin et sa posture se comprennent alors comme une invitation de la parentèle d’Ossian dans le monde intérieur du poète. Et cette perception est conforme à un premier jet, dans lequel les personnages, inconsistants, semblent peupler l’esprit d’Ossian plutôt qu’être créés par lui (fig.1).

« Quant à l’exécution, l’artiste ne semble pas s’en être occupé. L’on dirait que c’est un jeu de ses pinceaux, comme de l’imagination. » avait bien vu Chaussard. La peinture - dont on sait qu’elle fut rapidement exécutée, à l’inverse des autres œuvres, très finies de Gérard - apparaissait ainsi comme le fruit direct de l’imagination de l’artiste, le prototype de l’inspiration et de la « fureur » poétiques dont le barde Ossian avait fourni le motif.

 

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fig. 1                                                  fig. 2


 
 
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