Sans qu'il soit possible de savoir qui fixa le programme des peintures du salon de compagnie, la première mention s'en trouve dans le journal de l'architecte Fontaine, en juillet 1800 : deux grands tableaux sur des sujets tirés d'Ossian furent confiés à Gérard et Girodet; quatre plus petits retraçaient des épisodes des campagnes du général Bonaparte.
Les poèmes d'Ossian avaient été "collectés" par James Macpherson comme les oeuvres d'un barde écossais du IIIe siècle; leur première traduction intégrale en français avait été publiée en 1777 et avait connu un très vif succès auprès des artistes, malgré quelques doutes, exprimés assez tôt, sur leur origine réelle.
Si Gérard s'inspirait très directement et exclusivement des textes et de l'esprit d'Ossian, Girodet se livra à une confrontation entre le monde des esprits, conduits par le barde, et celui des héros français récemment tués au combat, au premier rang desquels on pouvait reconnaître Kléber, Marceau, Desaix. Un certain nombre de personnages avaient été les compagnons d'armes du Premier consul, qui fut frappé de les retrouver dans cette foisonnante composition, lui-même y figurant, au centre, sous la forme d'un profil sous un fourneau de pipe en terre blanche.
Le choc de ces deux mondes, l'aspect irréel des esprits ("des personnages de cristal" selon David, maître de Girodet), la densité de la composition, les éclairages surnaturels, les types humains allant du portrait le plus fidèle à la figure la plus idéalisée, en passant par le grotesque, tout ceci désarçonna la critique, qui fit pourtant un accueil enthousiaste à ce tableau présenté très tard au Salon de 1802, accompagné d'une longue notice explicative.