Dans les années 30, l’île d’Aix, sous la houlette du baron et de la baronne Gourgaud, fait songer à une folie d’aristocrates, avec son mélange bien dosé de raffinement et de retour à la nature, de bains de mer et de vie mondaine. Eva, née Gebhard (1876-1959), une richissime américaine, règne sur ce petit morceau de l’Aunis tombé à la mer. Avec Napoléon, dit Napo, son mari (1881-1944), elle œuvre à la résurrection de cette ancienne friche militaire, sur laquelle plane l’ombre de Napoléon.
En 1926, les Gourgaud ont racheté à l’Etat la Maison de l’Empereur, l’ancien logis du commandant de la place, qu’ils ont transformée en musée dédié à la gloire de Napoléon. En 1933, le baron, grand amateur de safaris et fasciné par le Continent noir, inaugure un musée africain, dans le but d’attirer les touristes. Ceux-ci affluent bientôt pour visiter ces curiosités et se recueillir dans la chambre où l’Empereur a séjourné en juillet 1815, avant de se rendre aux Anglais.
Ils acquièrent également deux autres maisons qu’ils réunissent en une agréable villa. Selon les vœux de l’excentrique baronne, tout y est rose: les murs, le linge, le papier à lettre, le sucre pour le thé, les fleurs et même les tourterelles du jardin.
Ainsi naît la saison de l’île d’Aix. Elle attire le Tout-Paris, dont Eva est l’une des reines. Chaque été, débarquent d’éminents représentants du gotha, des hommes politiques, des artistes, des vedettes de cinéma. Napo coiffée de son sempiternel bonnet de coton bigarré, moulé dans un blazer bleu et un pantalon blanc, accueille au port ces visiteurs de marques, à leur descente du Kangourou, son canot personnel. Eva, entre deux baignades, qu’elle prend enroulée dans une bouée et sous la surveillance de son majordome, inspecte son petit royaume, une canne à la main. Elle surveille la propreté des rues, traque les papiers gras, rappelle à l’ordre les touristes distraits, relève une branche cassée...
Sous leur impulsion, l’île devient un lieu de villégiature à la mode. Ils ont investi beaucoup d’argent dans la modernisation des deux hôtels, qui leur appartiennent, ils ont aménagé un court de tennis pour la jeunesse et un terrain de boules. Après la Seconde guerre mondiale, Eva finance également l’installation d’un cinéma, la restauration de l’église, des remparts et des casemates que l’armée lui a concédés. Royan, dit-on, est « la perle de l’Océan ». Mais comme l’écrin ouvert devant cet océan contient plusieurs perles, on peut affirmer que si l’île d’Aix est l’une des plus petites, elle n’est pas la moins jolie.
