Histoire de l'Ile d'Aix
Longue de trois kilomètres, large de six cents mètres dans sa plus grande largeur, l'île d'Aix épouse la forme d'un croissant couvrant une superficie de 130 hectares ; sa hauteur moyenne est de 4 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il semble qu'à l'époque romaine on pouvait se rendre à marée basse sur la côte, l'île n'ayant pris sa forme définitive que vers les années 1500. Les premiers chroniqueurs mentionnent au début du XIe siècle l'existence d'un prieuré, relevant de l'illustre abbaye de Cluny, et consacré à Saint-Martin. Devenue anglaise pendant une quinzaine d'années au moment de la guerre de Cent Ans, l'île d'Aix devient tour à tour protestante ou catholique à l'époque des guerres de religion. Les moines sont alors chassés, le monastère brûlé, seule la crypte souterraine échappant aux fureurs des Réformés.
En 1665, la création du port de Rochefort par Colbert entraîne à l'embouchure de la Charente d'importantes fortifications dont bénéficie aussitôt l'île d'Aix. Sous la direction du célèbre ingénieur Vauban, des ouvrages considérables de défense sont entrepris et le bourg actuel est tracé, l'ensemble étant terminé en 1704. Ces travaux n'empêchent pas les Anglais de s'emparer de l'île pendant quelques jours en 1757, ce qui pousse le gouvernement royal à entamer la construction de nouvelles fortifications. Louis XVI envoie sur l'île le marquis de Montalembert, l'un des précurseurs de la fortification moderne, ainsi que le célèbre Choderlos de Laclos, capitaine au corps royal du Génie, mais plus fameux pour avoir écrit les Liaisons dangereuses, ouvrage auquel il met la dernière main pendant son séjour sur l'île.
La Révolution devait rendre Aix tristement célèbre lorsqu'en 1794 des centaines de prêtres et de religieux furent entassés sur des bateaux laissés en rade où les conditions de salubrité étaient effroyables. Plus des deux tiers périrent et un grand nombre d'entre eux furent inhumés dans la crypte de l'église.
L'intérêt de Napoléon Bonaparte pour l'Ile d'Aix
Conscient de la menace permanente que représentaient les Anglais pour nos côtes de l'Atlantique, Bonaparte s'intéresse de très près aux fortifications de l'île d'Aix dès 1801. Devenu empereur, il décide de se rendre compte par lui-même de l'état des défenses. Arrivé à Rochefort le 4 avril 1808, il débarque le lendemain sur l'île et visite les casernes, ordonne la construction d'une maison pour le commandant de la place (c'est l'actuel musée Napoléon), d'une poudrière et d'un fort qu'on appellera Liédot dès 1812, du nom d'un colonel du Génie mort pendant la campagne de Russie. A partir de 1802-1803, Napoléon avait fait également commencer la construction du célèbre fort Boyard dont il visite lui-même les travaux en descendant sur l'enrochement ; plusieurs fois interrompus, ils ne seront terminés qu'en 1859, alors que les progrès de l'artillerie auront rendu sans usage ce monstre de pierre qui avait nécessité en volume de pierres, cinq fois celui de l'Arc de Triomphe ! Mais tous ces travaux ne devaient pas empêcher les Anglais d'occuper à nouveau la rade de l'île d'Aix en avril 1809 et de détruire une partie de la flotte française en envoyant de brûlots contre nos navires (nom donné à des navires abandonnés par leur équipage et remplis de matières inflammables destinées à mettre le feu aux vaisseaux ennemis).
Mais l'heure de gloire de l'île d'Aix devait rester le dernier séjour en terre française qu'y fit Napoléon du 12 au 15 juillet 1815. Vaincu à Waterloo (18 juin 1815), il se réfugie quelques jours à Malmaison avant d'arriver à Rochefort le 3 juillet, persuadé qu'il allait recevoir des sauf-conduits afin d'embarquer pour l'Amérique. Les Anglais bloquant les rades de la Charente, Napoléon, après avoir longuement hésité, se décide à partir pour l'île d'Aix où il occupe la maison du commandant de la place dont il avait ordonné la construction sept ans auparavant. Au cours des quatre nuits qu'il y passe, indécis, en proie à des sentiments contradictoires, il refuse les offres de passer le barrage des vaisseaux anglais. Finalement persuadé de trouver une digne retraite en Angleterre, il prend la décision de se rendre à ses ennemis et écrit au Prince-Régent la lettre célèbre : "Altesse royale, en butte aux factions qui divisent mon pays et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai consommé une carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir au foyer du peuple Britannique. Je me mets sous la protection de ses lois que je réclame de votre altesse royale comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. Ile d'Aix, 13 juillet 1815. Napoléon". Le 15 juillet au matin, il monte sur le pont du Bellérophon, n'imaginant pas un seul instant que les Anglais le considéreraient prisonnier de guerre, ni qu'il l'enverraient en exil à Sainte-Hélène, petite île perdue au milieu de l'Atlantique Sud.
Depuis 1815, l'histoire de l'île d'Aix a été moins fertile en événements. Elle devait servir de lieu de détention pour nos prisonniers de guerre russes, lors de la guerre de Crimée de 1854, prussiens, au moment de celle de 1870, insurgés "communards" en 1871. Enfin, plus récemment de mars 1959 à mai 1961, le fort Liédot devait servir de prison à Ahmed Ben Bella, futur Président de la République Algérienne, et à ses compagnons.